Quelques minutes d’optimisme

En matière de harcèlement sexuel au travail, l’ampleur des violences et l’absence de réaction des directions (en général) sont telles qu’on est assez vite déprimée. Ce vendredi, j’ai eu droit à un moment rare d’optimisme.

Aujourd’hui, j’animais une formation sur la prévention du harcèlement sexuel au travail. Et il s’est passé un truc inédit.

Cette formation était dispensée pour des jeunes agent.e.s de la fonction publique (sortie d’école nationale). Public mixte, moyenne d’âge dans la salle moins de 30 ans. Dans les formations sur la prévention du harcèlement sexuel au travail, on bosse sur les définitions précises des faits (agissement sexiste, injure, harcèlement, agression, viol).

Objectif : permettre aux stagiaires d’identifier précisément les faits et de pouvoir les traiter de manière efficace (on ne réagit pas de la même manière à un propos sexiste qu’à du harcèlement sexuel). Dans la partie sur le harcèlement sexuel, on demande aux stagiaires, munis de 2 cartons (rouge et bleu) d’indiquer si la scène présentée est du harcèlement sexuel ou si c’est autre chose.

Premier exemple : « Il lui a mis une main aux fesses dans l’ascenseur ». Harcèlement sexuel ou Autre ?

capture-d-e-cran-2019-09-06-a-20-18-17

Je fais cette formation depuis environ 3 ans. A chaque fois (100% des cas), depuis 3 ans, j’ai une majorité (voire la totalité) des gens qui se trompe. Entre 80 et 100% de mauvaises réponses. Les gens lèvent presque tous le carton rouge, qualifiant les faits de harcèlement sexuel.

Ce n’est pas du harcèlement sexuel, c’est une agression sexuelle. C’est beaucoup plus grave. Sans s’en rendre compte, les stagiaires banalisent l’agression en la qualifiant de harcèlement. Comme souvent en matière de violences sexuelles, on minimise la gravité. Et aujourd’hui, pour la première fois depuis 3 ans, près de 50% de la salle a répondu « Autre ». Les gens savaient qu’il s’agissait d’une agression sexuelle.

J’étais face à de jeunes fonctionnaires, au début de leur carrière, et leur niveau de conscience était bien plus élevé que leurs collègues déjà en poste ou que les salarié.e.s du privé que je forme chaque semaine.

Ça m’a vraiment surprise. J’étais tellement habituée à avoir 100% d’erreur sur cette question que j’étais presque émue. 🙂


On a continué la formation. Sur la question des chiffres, on a atteint 90% de bonnes réponses. Quasiment toute la salle connaissait le chiffre.

capture-d-e-cran-2019-09-06-a-20-34-16

La réponse est : 1 sur 3. 32% des femmes déclarent avoir subi du harcèlement sexuel ou une agression sexuelle au travail (source : Ifop, 2018)

Il y a quand même une question sur laquelle personne n’a encore la bonne réponse (même elles et eux). En matière de harcèlement, quelle est la part des femmes qui en parlent à quelqu’un ?

capture-d-e-cran-2019-09-06-a-20-34-16-1

Tout le monde répond 40%. En pensant que seule une minorité de femmes victimes de violences au travail parle. C’est faux.
Une majorité de femmes victimes de harcèlement sexuel au travail parle. Le problème ? On ne les entend pas. (Source :
Défenseur des droits, 2014)
Bref, c’était mon moment verre à moitié plein de la semaine. Le Grenelle m’a déprimée. Les cas de violences sexuelles au travail traités cette semaine m’ont déprimée.
Mais le fait que des jeunes agent.e.s de la fonction publique soient autant sensibilisés sur la prévention des violences sexuelles m’a remonté le moral pour le week-end. On avance, c’est net !