3 questions à Eléonore Morel, directrice du Centre Primo Levi

 

Longtemps sur le terrain avec des ONG et les Nations Unies, Eléonore Morel travaille depuis plus de 20 ans dans la défense des droits humains, dans le domaine de la détention, de la peine de mort ou de la torture. Elle est aujourd’hui directrice générale du Centre Primo Levi qui soigne les réfugié-e-s victimes de torture et plaide en faveur de l’amélioration de leur prise en charge en France.

 

« On estime à plus de 125 000 le nombre de victimes de torture et de violences extrêmes »

Qu’est-ce que le centre Primo Levi ?

Le Centre Primo Levi est un centre de soins qui accueille des hommes, des femmes, des enfants, victimes de tortures ou de violences extrêmes dans leurs pays d’origine et réfugié-e-s en France. Ces personnes arrivent chez nous polytraumatisées par les violences subies aux pays, le parcours d’exil et les conditions d’extrême précarité dans lesquelles elles vivent en France. Elles sont prises en charge par une équipe pluridisciplinaire composée de médecins, psychologues, assistant-e-s sociaux-ales et juristes, et avec l’aide d’un-e interprète professionnel-le si besoin. On estime à plus de 125 000 le nombre de victimes de torture et de violences extrêmes sur le territoire ; et pourtant cette population est complètement oubliée des politiques de santé publique. Au-delà du soin, le Centre Primo Levi a développé de nombreuses outils pour former les professionnel-le-s : formations, publications, colloques, et mène des actions de sensibilisation auprès du grand public ou de lobbying auprès des décideur-se-s.

« Le Centre Primo Levi reçoit des demandes de prise en charge quotidienne auxquelles il ne peut pas toujours répondre positivement faute de places. »

La question des réfugié-e-s est au cœur de l’actualité. Comment faites-vous face aux arrivées de plus en plus nombreuses de femmes et d’hommes réfugié-e-s ?

Il existe un temps de décalage entre l’arrivée en France de réfugié-e-s et leur prise en charge au Centre Primo Levi. Leur priorité consiste à trouver un hébergement, faire une demande d’asile, et scolariser les enfants. De plus ils/elles se sentent souvent très coupables et honteux-se-s d’être sorti-e-s de l’enfer mais d’avoir laissé au pays des proches et des gens en danger et en souffrance. C’est seulement dans un second temps qu’ils/elles vont s’autoriser à aller mal ou à accepter de consulter soit pour eux-mêmes, soit pour leurs enfants. Le Centre Primo Levi reçoit des demandes de prise en charge quotidienne auxquelles il ne peut pas toujours répondre positivement faute de places. C’est pour cela qu’il a choisi de partager son expérience avec les professionnel-le-s.

Quels sont les enjeux des migrations pour l’avenir ?

L’enjeu immédiat est d’accueillir dignement les réfugié-e-s sur notre territoire, pas uniquement les syrien-ne-s ou les irakien-ne-s, mais tous ceux et celles qui sont actuellement présent-e-s et rencontrent de grandes difficultés d’hébergement et d’accès à la demande d’asile. Il faut également faciliter l’immigration légale : il est devenu trop difficile aujourd’hui de venir travailler ou étudier en France. Du coup, certain-e-s peuvent avoir recours au droit d’asile pour venir légalement sur notre territoire. Les réfugié-e-s sont une richesse et une ouverture au monde extraordinaire pour notre pays. L’Allemagne l’a bien compris, il est dommage que cela ne soit pas le cas chez nous.