Violences contre les femmes : idées reçues entendues en formation

Depuis janvier 2015, nous animons des formations sur la question des violences contre les femmes, à destination des étudiant.e.s en soins infirmiers et en travail social (moniteurs.trices éducateurs.trices, éducateurs.trices spécialisé.e.s, technicien.ne.s d’intervention sociale et familiale (TISF) et assistant.e.s de service social). Au vu des statistiques, ces futur.e.s professionnel.le.s seront amené.e.s à rencontrer des femmes victimes de violences. Notre objectif est de les former à détecter les violences, à orienter et accompagner les victimes.

Comme de nombreuses personnes, ces étudiant.e.s peuvent avoir des préjugés à propos des femmes victimes de violences. Une de mes premières missions, en tant que formatrice, est donc de faire tomber ces préjugés. En voici 3 exemples, suivis des réponses que je leur donne.

1- Idée reçue n°1 : « Elles l’ont bien cherché »

« Faut pas s’étonner qu’il y ait des agressions quand on voit comment certaines filles sont habillées » ou encore « quand on voit comment certaines se comportent, elles le cherchent ! ». Ces éléments reviennent invariablement dans les débats sur les violences contre les femmes. Alors que la tenue n’a rien à voir, qu’il n’y a pas plus de victimes en jupe qu’en pantalon, la culpabilisation repose systématiquement sur les victimes des violences. Les étudiant.e.s ne sont pas les seul.e.s à énoncer ces éléments : la prise en charge dans les commissariats et les gendarmeries, par exemple, manque parfois de bienveillance… parfois même, la parole des victimes est remise en question.

Il s’agit ici de remettre les choses à l’endroit : quand il y a viol, agression sexuelle, violence conjugale ou autre forme de violence, il y a bien UN agresseur et UNE victime. Par ailleurs, la grande majorité des agressions sexuelles et des viols ne sont pas le fait d’inconnus : dans 90 % des cas, il s’agit de personnes connues de la victimes (conjoint, père, oncle, voisin, collègue…). Les agresseurs ne cherchent pas une relation sexuelle : ils cherchent à soumettre leur victime, la dominer pour la réduire à l’état d’objet, la détruire.

Les professionnel.le.s ont donc un rôle primordial : croire les victimes qui se confient à elles et eux, les rassurer et les déculpabiliser. Très souvent, les victimes culpabilisent elles-mêmes de l’agression qu’elles ont subie. Résultat, très peu portent plainte (10 % seulement). Avec des mots très simples (« vous n’êtes pas coupable », « la loi vous protège », « nous sommes là pour vous accompagner »), il est possible de changer les choses.

2- idée reçue n°2 : « Les violeurs sont des malades, des fous »

Après des années de prise en charge de centaines ou milliers de victimes de violences, les associations (comme le Collectif féministe contre le viol, qui a ouvert une permanence téléphonique en 1986) ont identifié des étapes identiques dans la mise en place de la violence. Quasi-systématiquement, l’agresseur (que ce soit un proche ou un inconnu) n’est pas dans une pulsion incontrôlée. Au contraire, il met en place une succession d’actes volontaires, qui ont pour objectif de construire l’emprise, et qu’on appelle « stratégie de l’agresseur » :

  • la séduction : l’agresseur choisit, sélectionne celle qui va devenir sa victime.
  • Puis il l’isole. L’isolement peut être géographique (déménagement), social (il fait en sorte que la victime ne rencontre plus ses ami.e.s), professionnel (il préconise un changement de poste voire l’empêche d’exercer son travail), familial (liens progressivement coupés sous prétexte que la famille est trop invasive).
  • Il la dévalorise : humiliation, critiques moqueries, insultes… Avec un objectif : que la victime perde l’estime d’elle-même, perde toute confiance en elle.
  • Il inverse la culpabilité. Dans cette étape, l’agresseur fait en sorte de transférer la responsabilité sur la victime. C’est elle qui a provoqué, qui l’a énervé…
  • Il instaure un climat de peur : il menace sa personne et celle de ses proches
  • Il assure son impunité, dans l’objectif de l’empêcher de dénoncer les violences subies, de verrouiller le secret.

3- idée reçue n°3 : « Poser la question, c’est délicat »

Depuis plusieurs années, le docteur Gilles Lazimi préconise ce qu’on appelle le questionnement systématique, ou détection systématique. Pour les professionnel.le.s de santé comme les professionnel.le.s du social, il s’agit de poser la question à toutes les patientes ou bénéficiaires reçues : « êtes-vous ou avez-vous été victime de violences ? ». De nombreuses enquêtes menées depuis les premières expérimentations de ce dispositif en démontrent l’impact : 80 % des victimes répondent facilement à la question (alors qu’elles ne sont que 10 % à porter plainte).

Les étudiant.e.s ont souvent l’impression que poser la question est une intrusion dans leur vie privée, ou bien que les victimes risquent de se braquer et de refuser de s’adresser à elles et eux. Au contraire, l’expérience montre que 90 % des victimes en parlaient pour la première fois et trouvaient ainsi le lieu où être écoutées et reconnues.

 

Les violences contre les femmes sont nombreuses. Les professionnel.le.s médicaux et du travail social (action sociale, centres sociaux…) ont un rôle à jouer dans l’accompagnement des victimes. Mais également d’autres professionnel.le.s : les violences existent aussi au travail, ou bien quand elles ont lieu dans d’autres cadres elles ont des conséquences sur le travail. Chef.fe.s d’entreprise, représentant.e.s du personnel : tout le monde peut agir ! Les journalistes, dans leur manière de traiter le sujet des violences, ont également un rôle à jouer. Le groupe Egaé propose des formations adaptées à tous les publics sur cette question.

Pour nous contacter : contact@groupe-egae.fr

 

Victimes de violences ? Des professionnel.le.s sont là pour vous écouter. Contactez le 3919 ou le 0800 05 95 95.