Le projet « Jeunes et Femmes » a été initié en 2010 par la Mission locale des Ulis (91), pour répondre aux problématiques de l’isolement, de la désocialisation, de l’échec scolaire, de grossesses précoces et/ou de violences subies par des jeunes femmes. Face aux résultats encourageants sur le territoire de la Mission locale des Ulis, ce dispositif a été généralisé aux Missions locales de toute l’Essonne. Retour sur le projet avec Sonia Lebreuilly, socio-sexologue présente depuis l’origine du projet.
Aux origines du projet
En 2010, la mairie et la Mission locale des Ulis avaient identifié des problématiques récurrentes chez des jeunes femmes, suite aux retours des conseiller.e.s et lors de ces permanences d’écoute pour les habitant.e.s. En effet, de nombreuses jeunes femmes se présentaient pour demander une aide sociale ou un logement suite à une maternité. Nombreuses faisaient part d’une perte de repères et d’un désinvestissement dans leur propre parcours de vie. Ce constat d’un réel besoin sur le territoire d’un accompagnement spécifique de ces jeunes femmes a amené la ville des Ulis à créer le programme « Jeunes et Femmes ».
Aujourd’hui, « Jeunes et Femmes » reste porté par la Mission locale des Ulis. Il a été amplifié et touche maintenant 10 missions locales de l’Essonne. Au total, depuis 2010, 35 sessions ont été proposées, soit 352 jeunes femmes qui ont bénéficié du dispositif, en groupes de 12 à 15 femmes.
Public-cible
Le projet vise des jeunes femmes de 16 à 25 ans, « en situation de décrochage scolaire, ou déscolarisées après leurs 16 ans, sans mobilisation réelle vers un emploi stable et/ou une formation professionnelle », nous explique Sonia Lebreuilly. « Les conseiller.e.s de la Mission locale identifient les jeunes femmes pour lesquelles des freins à l’emploi, autres que les freins « classiques », sont observés sans pouvoir nettement les identifier ou apporter de solutions concrètes. Ces jeunes femmes sont en situation de précarité sociale : certaines sont en rupture familiale et en situation d’hébergement précaire. Elles énoncent toutes un manque d’estime de soi et une forte dévalorisation. Ces jeunes femmes ont rarement un projet professionnel défini. Elles se définissent comme perdues dans leur parcours de vie. » Toutes méconnaissent leurs droits. En plus d’être éloignées des structures d’aides locales (CAF par exemple), elles sont également éloignées des structures médicales. Beaucoup sont mères, parfois mères célibataires. Certaines ne sortent quasiment plus de chez elles.
Elles sont également très souvent victimes de violences, ce qui est en réalité leur principal frein à l’emploi, d’après Sonia Lebreuilly : « ces violences entraînent une forte dévalorisation, un isolement et parfois des troubles psychologiques et dépressifs ». En moyenne sur 12 jeunes femmes, 10 subissent ou ont subi des violences.
Le dispositif permet souvent de révéler ces situations : beaucoup de jeunes femmes parlent des violences qu’elles subissent pour la toute première fois pendant le dispositif. Il permet à ces jeunes femmes de se recentrer sur soi, de travailler ces blessures et ces situations de vie difficiles, pour ne pas rester victime.
Un « parcours de citoyenneté » de 3 semaines
Afin de remobiliser les jeunes femmes en manque de repères sur leur parcours de vie, leur donner envie de reprendre un parcours professionnel, un stage de 3 semaines est organisé au sein des Missions locales. Pendant le stage, les jeunes femmes rencontrent des professionnel.le.s, des associations (Mouvement du Nid, Paroles de Femmes 91…), visitent des lieux d’exercice de la citoyenneté (Assemblée nationale par exemple) ou encore des lieux culturels (musées, expositions…). Le fil rouge du parcours : la compagnie de théâtre forum « Naje » (Nous n’abandonnerons jamais) qui intervient une demi-journée par semaine. Grâce à la compagnie, les jeunes femmes jouent des scènes de leur vie quotidienne et réfléchissent collectivement à faire évoluer leurs situations.
Objectifs atteints ?
Les résultats sont encourageants, nous indique Sonia Lebreuilly : 74% des jeunes femmes sont dans une démarche active vers l’emploi immédiatement suite à la session (emploi, stage, formation, entrée dans un dispositif de retour à l’emploi). Ces résultats se renforcent dans le temps : plus des trois quarts des jeunes sont en emploi et/ou en formation 6 mois après la fin du stage.
Les jeunes femmes « témoignent également d’une amélioration de la confiance en soi, du rapport au corps et un engagement dans leur parcours de vie. 73% d’entre elles ont entamé des démarches personnelles immédiatement suite à la session (CAF, CPAM, journée d’appel, rendez-vous avec un.e juriste, rendez-vous médicaux…) ».
Sonia est optimiste. Elle met en lumière de beaux parcours qui ont pu émerger grâce au dispositif : « je repense à l’une d’entre elles, qui était alors à la rue, persécutée par un conjoint violent. En quelques mois elle a su mettre en place des stratégies pour s’en sortir, elle est aujourd’hui en foyer sécurisé, avec un emploi. Sur une plus ancienne session, une jeune femme, alors en situation de prostitution, a su s’en sortir suite à la mise en sécurité dans un foyer. Aujourd’hui elle a un CDI, son appartement et de beaux projets en tête ! »
Perspectives
Le dispositif « Jeunes & femmes » est aujourd’hui clairement reconnu sur le territoire essonnien par les partenaires et les institutions. Il est un outil précieux pour l’accompagnement des jeunes femmes en précarité. Il est également identifié parmi les bonnes pratiques en termes d’égalité au niveau national : le dispositif est en effet référencé par le Haut conseil à l’égalité dans le rapport EGATER ainsi que dans le rapport sur l’Education à la sexualité remis en juin dernier aux ministres concernées.
Le dispositif peut s’adapter au public visé : il a été retravaillé pour les jeunes hommes (dispositif « EGAUX »), ou avec des femmes plus âgées, en précarité.
Merci à Sonia Lebreuilly !