Les cyberviolences, la continuation des violences en ligne

Les cyberviolences, la continuation des violences en ligne 

Les cyberviolences sont des violences qui s’expriment à travers des outils numériques, de façon ponctuelle (insultes, humiliations, menaces) ou répétée (cyber-harcèlement). 

Elles peuvent prendre plusieurs formes : exclusion de groupes, messages violents, dénigrement, « slut shaming » (forme de « rappel à l’ordre » social consistant à dénigrer celles dont la tenue, le maquillage, l’attitude ou les activités sexuelles réelles ou présumées ne correspondent pas aux normes du groupe), usurpation d’identité, « outing » (fait de révéler des informations intimes concernant notamment l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne sans son consentement), « sexting » (messages à caractère sexuel) non consentis, « revenge porn » (diffusion de photos, vidéos ou enregistrements à caractère sexuel sans le consentement de la personne à des fins de vengeance), cyber-contrôle, cyberviolences administratives, raids numériques (attaques coordonnées ou non sur une même personne), etc. 

Une continuité par rapport aux violences hors-ligne 

Les cyberviolences s’inscrivent dans une continuité par rapport aux violences vécues dans la vie hors ligne. Le fait que ces violences se passent en ligne ne les rendent pas irréelles, elles ont un impact important sur la santé, l’image de soi, la vie sociale et la vie scolaire ou professionnelle des personnes qui en sont victimes. 

Ces violences peuvent également avoir un impact sur des personnes qui en sont témoins, en provoquant par exemple des phénomènes d’autocensure de certains comportements de peur de subir des « rappels à l’ordre » de même nature. 

Des violences qui ne laissent pas de répit 

A la différence des violences hors ligne, les cyberviolences ne laissent pas de répit à la victime : il n’y a plus d’espace sécurisant, on peut être atteint.e partout, à tout moment. Par ailleurs, les violences en ligne laissent souvent des traces, encore visibles des années plus tard. 

Les cyberviolences touchent en majorité les jeunes, et particulièrement les jeunes filles. D’après le Centre Hubertine Auclert, 20% filles et 13% garçons ont déjà été insultés en ligne sur leur apparence physique et 17% filles et 11% des garçons ont déjà été victimes de cyberviolences sexuelles (par le biais de photos, vidéos, ou textos. D’après l’UNICEF, 12,5% des enfants [6-18 ans] ont déjà été victimes de cyberviolences. 

Des violences qui se disséminent 

En tant qu’espace public, internet a un pouvoir de dissémination de la violence. Liker ou partager un post qui relève de cyberviolence contribue à augmenter sa visibilité, donc son impact. Cela constitue une participation à cette violence, qui peut en décupler les effets. 

A la différence des violences hors ligne, celles qui se produisent sur les réseaux sociaux par exemple peuvent induire un « Effet cockpit ». Le fait de ne pas voir le visage des victimes, leur réaction ni les conséquences des actes peut avoir pour effet de bloquer l’empathie, et donc d’aggraver et d’amplifier les violences. 

Des conquêtes législatives pour tenter d’y faire face 

Depuis quelques années, suite aux mobilisations de nombreux collectifs contre le cyber-harcèlement et les violences sexistes et sexuelles en ligne, il y a eu des efforts législatifs pour prendre en compte les spécificités des cyberviolences. 

La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique condamne le « Revenge porn » (article 67), soit le fait de diffuser sans le consentement de la victime des images, documents ou enregistrements à caractère sexuel, même si ces contenus ont été obtenus avec le consentement de ladite victime. Jusqu’alors, la loi ne condamnait que le fait d’enregistrer ou fixer des images ou paroles sans le consentement de la personne. Le phénomène de « revenge porn » s’est en effet massifié depuis quelques années, avec le développement de sites pornographiques spécialisés dans la collecte et la diffusion de ce genre de vidéos, parfois accompagnées d’informations personnelles sur les victimes. La peine prévue pour ce délit est de 2 ans de prison et 60 000€ d’amende

La loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes condamne les raids numériques, à savoir des attaques concertées de plusieurs personnes, même si chacune n’a pas agi de façon répétée, ou des attaques non concernées dont les auteurs ont connaissance du phénomène de répétition (article 11). Ce délit est puni de 2 ans de prison et 30 000 € d’amende. La loi introduit également une disposition concernant le phénomène d’« Upskirting » : « Le fait d’user de tout moyen afin d’apercevoir les parties intimes d’une personne que celle-ci, du fait de son habillement ou de sa présence dans un lieu clos, a caché à la vue des tiers, lorsqu’il est commis à l’insu ou sans le consentement de la personne » (article16). Ce délit est puni d’1 an de prison et 15 000 € d’amende

La loi du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dite loi Avia avait pour objectif de s’attaquer aux contenus terroristes, pédopornographiques, pornographiques et haineux. Son contenu a été presque intégralement censuré par le Conseil constitutionnel pour atteinte à la liberté d’expression. Cette loi n’entre donc pas en application.  

L’arsenal légal peine pourtant à recouvrir la totalité du phénomène des cyberviolences qui est à la fois multiforme, massif et mouvant. 

A l’heure actuelle, les fournisseurs d’accès internet n’ont pas l’obligation légale de surveiller les contenus et ne sont pas responsables de ce qui est publié. Chaque détenteur.rice d’une page sur les réseaux sociaux est considéré en quelque sorte comme « directeur.rice de publication » de sa page, et donc responsable de ce qui y est publié (par soi-même ou d’autres). 

Si vous êtes victime ou témoin de cyberviolences, voici quelques ressources utiles : 

Quelques contacts d’associations spécialisées :  

Sources : 

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Diplômée du master Etudes Culturelles de Sciences Po Toulouse, Julie Papon-Bagnès réalise son stage de fin d'études dans un laboratoire de recherche en science politique (le LaSSP), où elle participe à la réalisation d'une enquête sur les rapports ordinaires au politique. Elle entre ensuite à l'EHESS pour un second master en sociologie générale, où elle suit également des cours en études de genre. Entre mai 2018 et août 2019, elle travaille à la Fédération nationale des CIDFF (centres d'information sur les droits des femmes et des familles) où elle participe notamment à la rédaction d'un rapport analytique sur la situation des femmes informées par le réseau des CIDFF. Elle rejoint le groupe Egaé en septembre 2019 en tant que formatrice-consultante, spécialisée dans l'égalité femmes-hommes et la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.