C’est un tournant historique pour l’Argentine : le jeudi 14 juin, les députés ont voté la dépénalisation et la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse. Dans un pays de tradition catholique, où l’avortement était passible de quatre ans de prison depuis plus d’un siècle, c’est une victoire pour les femmes en matière d’avancée des droits sexuels et reproductifs. Une victoire qui a pourtant été remportée de justesse : la loi a été approuvée à une étroite majorité de 129 voix contre 125 et une abstention, et doit encore passer devant le Sénat, réputé pour être conservateur, avant d’être définitivement adoptée.
En Argentine, entre 300 000 et 500 000 femmes avortent tous les ans, selon une étude commandée en 2005 par le ministère de la santé, et entre 100 et 300 en meurent, selon les ONG. La nouvelle loi autorise l’IVG pendant les quatorze premières semaines de grossesse. Au-delà de ce terme, l’avortement reste possible en cas de viol, de danger pour la santé de la femme enceinte et de malformation du fœtus rendant impossible la vie extra-utérine. Rédigé par « la Campagne nationale pour le droit à l’avortement légal, sans risque et gratuit », il avait été soumis six fois au Parlement depuis 2007.
Sur la place du Congrès, les militantes pro-choix se rassemblent autour d’un slogan : « Education sexuelle pour décider, contraceptifs pour ne pas avorter, avortement légal pour ne pas mourir ». Ce combat a été mené par des milliers de femmes, comparées à une « marée verte » parce qu’elles arborent un foulard vert, symbole de la lutte pour la légalisation de l’avortement.
À la lecture des résultats, la militante Celeste Mac Dougall s’exclame : « C’est incroyable, je pleure et je ris en même temps, cela fait tellement d’années que nous nous battons pour ce droit ! ». Membre de la « Campagne nationale pour le droit à l’avortement légal, sans risque et gratuit », un collectif de quelque 500 ONG en lutte depuis treize ans, cela fait bien longtemps qu’elle se bat. Mais il faudra attendre le mois de septembre pour avoir le verdict du Sénat. Les militantes, portées par cette vague de mobilisation, clament sans répit : « si l’avortement n’est pas voté, ça va barder ! ».