Nouvelle jurisprudence sur la discrimination et les agissements discriminatoires

Table sur laquelle est posée une balance de justice et un marteau de juge, marron

Une nouvelle jurisprudence de la cour de cassation montre qu’un ou plusieurs agissements discriminatoires peuvent constituer une discrimination, au sens de la loi de 2008, sans qu’il y ait besoin de prouver une différence de traitement entre salarié·es.

👉 Comment la discrimination est-elle définie dans la loi ? 

La discrimination est définie dans l’article 1 de la loi du 27 mai 2008. On retrouve aussi cette notion dans le code pénal, le code du travail et le code général de la fonction publique. La discrimination peut prendre plusieurs formes : la discrimination directe, la discrimination indirecte, l’agissement discriminatoire, l’incitation à la discrimination…

📕 La discrimination directe est définie comme « la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable ».

Par exemple, ne pas recruter une personne en raison de son appartenance réelle ou supposée à une religion est interdit par la loi et considéré comme une discrimination directe.

L’agissement discriminatoire est défini comme « tout agissement lié à l’un des motifs mentionnés au premier alinéa […] subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant ». 

Par exemple, se moquer du handicap d’un·e collègue, tenir des propos dégradants en lien avec l’orientation sexuelle réelle ou supposée d’un·e salarié·e, tenir un propos sexiste qui atteint à la dignité d’une personne est interdit par la loi et cela peut être considéré comme un ou plusieurs agissement(s) discriminatoire(s). 

👉 Quels sont les faits ? 

Une salariée est embauchée en 2010 dans une société privée. Elle est licenciée en 2017 pour cause réelle et sérieuse. Elle conteste son licenciement en saisissant la juridiction prud’homale, le 27 août 2017. Elle demande notamment des dommages et intérêts en indiquant qu’elle a subi du harcèlement moral et de la discrimination.

⚖️ Dans un premier temps, que retient la cour d’appel ? 

Dans sa décision du 16 février 2022, la cour d’appel retient que sa supérieure hiérarchique a tenu des propos “répétés et inappropriés à raison de son appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race”. 

Comme indiqué plus haut, des propos en lien avec un motif prohibé qui ont pour effet ou objet une atteinte à la dignité peuvent être qualifiés d’agissements discriminatoires. 

Toutefois,  la cour d’appel ne retient pas la discrimination en indiquant que “aucune différence de traitement ou mesure discriminatoire n’est retenue”. 

La salariée conteste à nouveau cette décision, en disant que la discrimination inclut les agissements discriminatoires, tel qu’énoncé dans la loi du 27 mai 2008.

⚖️ Que retient la cour de cassation ? 

La cour de cassation examine la situation, et retient que d’après l’article L. 1132-1 du code du travail et de la loi du 27 mai 2008, alors :

  • Personne ne peut être sanctionné ou licencé sur la base de motifs prohibés ou critères de discrimination (l’appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race fait partie des 26 motifs prohibés par la loi).
  • Quand le salarié présente des éléments qui “laissent supposer l’existence d’une discrimination”, il revient ensuite à l’employeur de se défendre (la charge de la preuve revient à l’employeur)
  • La discrimination directe inclut les agissements discriminatoires
  • Enfin, elle indique que “l’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec d’autres salariés”.

La cour de Cassation constate ensuite que la cour d’appel a reconnu l’existence de propos “inappropriés” (sur les origines réelles ou supposées de la salariée).  Or, la cour de cassation estime que ces propos constituent un élément qui laisse supposer l’existence d’une discrimination. La cour de cassation casse donc l’arrêt de la cour d’appel sur ce point. 

👉 Cette décision de la cour de cassation pose donc un nouveau principe en matière de discriminatoire : alors que, jusque là, la reconnaissance d’une discrimination directe nécessitait la preuve d’une différence de traitement, cette arrêt dispose qu’un ou plusieurs agissements discriminatoires peuvent constituer une discrimination directe, même sans différence de traitement avec d’autres salarié·es. 

Sources / Pour aller plus loin : 

20 septembre 2023, Cour de cassation, Pourvoi n° 22-16.130 : https://www.courdecassation.fr/decision/650a8c08e0a8bb8318102ac8 

Site du Défenseur des droits : https://www.defenseurdesdroits.fr/fr

Site de l’observatoire des discriminations :  https://www.observatoiredesdiscriminations.fr/

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