Laurence COHEN, Annick JACQUEMET, Marie-Pierre RICHER et Laurence ROSSIGNOL sont les sénatrices à l’origine du rapport publié par le Sénat le 27 juin 2023. Pendant six mois, les rapporteurs ont mené des auditions et des déplacements « sur le terrain » afin de recueillir toutes les informations présentées. Intitulé « Santé des femmes au travail : des maux invisibles« , le rapport met en lumière la méconnaissance et la minimisation des risques professionnels auxquels sont exposées les femmes. Puis, des recommandations sont formulées.
Le rapport est organisé en trois grands axes.
Dans une première partie intitulée « un défaut durable et préjudiciable d’approche genrée en matière de santé au travail« , la question des biais de genre dans les connaissances scientifiques est abordée : il est rappelé qu’il persiste un « manque de connaissance (…) des spécificités féminines liées à l’exposition aux risques professionnels« , notamment en matière de risques chimiques.
En plus d’un manque de connaissance, le rapport note également un manque de données sur le sujet : « des statistiques sexuées manquent encore pour dresser un diagnostic exact de la santé des femmes au travail« . Le rapport indique par exemple que ni la Caisse d’assurance maladie, ni la Direction générale du Travail ne disposent de données sur la répartition des arrêts maladie par sexe, alors que ces données existe en fonction de l’âge.
Le rapport du Sénat met également en lumière que les secteurs « à prédominance féminines » (ndlr : secteurs dans lesquels la majorité des emplois sont occupés par des femmes) font l’objet de moins de recherches en santé au travail. Pour exemple, il est indiqué que « alors que de nombreuses études sont menées dans le secteur du BTP, très masculin, très peu d’études sont menées dans les secteurs à prédominance féminine, comme le secteur du nettoyage ou celui du care (ndlr : secteur du soin)« .
Le rapport pose la question suivante : « Sans connaître, comment prévenir et comment réparer?« .
Dans une seconde grande partie intitulée « Des risques professionnels sous-estimés, méconnus et différenciés chez les femmes« , l’enjeu de la pénibilité au travail est développé.
Il est d’abord rappelé que « Depuis les années 2000, le taux d’activité des femmes est d’environ 85 % chez les 25-45 ans, équivalent à celui des hommes. » L’étude pointe ensuite le fait que « les secteurs professionnels largement féminisés font l’objet d’une sous-évaluation de la pénibilité et des risques, alors même que de nombreux métiers dits féminins sont exposés à des risques élevés. » Les secteurs de la santé, du social, du nettoyage, de l’intérim…, particulièrement féminisés, disposent de politiques de prévention « insuffisamment développés« . Cela se traduit très concrètement par des risques pour la santé : une étude de l’Anact est citée, selon laquelle les accidents du travail ont augmenté de 42% chez les femmes entre 2001 et 2019, notamment dans les activités de services et à prédominance féminine.
Le rapport développe particulièrement la question du port des charges lourdes, indiquant que « de nombreux métiers dits féminins sont exposés à un port répétitif de charges dépassant la norme autorisée de 25 kg prévue à l’article R4541-9 du code du travail. C’est le cas des ouvrières mais aussi des infirmières, des aides-soignantes et des aides à domicile.« . Il est intéressant de lire les réflexions suivants (citations extraites du rapport) :
– « Un certain déni existe quant aux conditions de travail de nombreux métiers dès lors qu’on les qualifie de féminins » Caroline de Pauw, sociologue ;
– « la pénibilité est une question de convention sociale et une question sociopolitique, au-delà d’une stricte observation » François-Xavier Devetter, professeur des universités au Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé) ;
– « Les facteurs de risques des femmes peuvent être sous considérés ou sous évalués. Ils paraissent secondaires dans l’inconscient collectif, au regard du port de charges lourdes pour les hommes, par exemple. » Dr Agnès Aublet-Cuvelier, adjointe au directeur des études et de la recherche de INRS
– « Considérer qu’un travail requiert des qualités plutôt que des compétences revient à se référer à l’inné plutôt qu’à l’acquis. Surtout, cela empêche de prendre la mesure du niveau de qualification requis et du niveau de pénibilité associé au travail. » Muriel Salle, historienne.
Citations extraites du rapport du Sénat « Santé des femmes au travail : des maux invisibles ».
Un autre élément est mis en lumière : le fait que les risques professionnels auxquels les femmes sont majoritairement exposées sont davantage « invisibles et silencieux » : usure physique, usure psychique, risques psychosociaux. Le rapport regrette que ces risques soient banalisés et ne fassent pas l’objet d’une politique de prévention suffisante.
La troisième et derniere partie de ce rapport est intitulée « Penser la santé au travail au féminin » et contient les recommandations des rapporteuses, à la lumière de tous les éléments abordés et des informations recueillies.
Il est préconisé, entre autres, de produire et d’exploiter des données de genre, ce qui permettra d’identifier les problématiques par secteur et par exposition au risque pour mettre en place des actions de prévention efficaces.
Le rapport recommande également la formation des professionnels de santé à un approche genrée de la santé au travail. Des acteurs sont cités en priorité : médecins du travail, inspection du travail, acteurs et actrices de prévention et également directions des ressources humaines.
Parmi les solutions proposées, figure en priorité le développement et l’adaptation de la prévention. Une stratégie nationale pour la santé des femmes pourrait ainsi être mise en place, incluant le volet « santé au travail ». Un travail devrait être fait pour la prise en compte des risques dits « invisibles et silencieux » évoqués plus haut, et pour lister des critères de pénibilités réellement adaptés aux risques professionnels auxquels sont exposées les femmes.
Pour consulter l’intégralité du rapport et connaître les 30 préconisations des rapporteuses, vous pouvez cliquer ici.
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