Une opération de testing de grande ampleur
Lors de sa campagne pour l’élection présidentielle, Emmanuel Macron s’engageait à poursuivre les « opérations de testing », à « pénaliser les discriminations à l’embauche et à rendre publics les noms des entreprises les plus délinquantes en la matière ».
Une opération de testing de grande ampleur sur 103 entreprises en France a montré l’existence de discriminations importante à l’embauche fondées sur l’origine supposée des candidat.e.s.
Qu’est ce qu’une opération de testing ?
Le testing ou test de discrimination est une enquête réalisée grâce à expérimentations en situation réelle. Pour cela, on crée une situation dans laquelle on soupçonne l’existence de discriminations puis on observe le comportement d’un tiers face à deux personnes :
– une personne témoin
– une autre identique en tous points sauf une caractéristique, celle de la discrimination que l’on souhaite observer.
Dans le cadre des testing de discrimination à l’embauche, l’expérimentation se constitue d’envoi de CV fictifs en réponse à des offres d’emploi ou en candidature spontanée.
Tous les CV sont identiques à l’exception d’un élément (sexe, âge, adresse, patronyme etc.). Les équipes de recherche mesurent ensuite les taux de réponses aux différents CV. Si un écart se creuse entre les groupes témoins et les groupes porteurs de la caractéristique discriminante, on parlera de « perte de chance » et donc d’une situation de discrimination à l’embauche.
De novembre 2018 à janvier 2019, une équipe de chercheur.se.s a envoyé plus de 17 600 candidatures fictives à 103 grandes sociétés. Sur les CV témoins, le nom indiqué était un patronyme d’origine française (ex : Florian Dubois, Emilie Petit etc.), sur les autres, un patronyme maghrébin (ex : Mourad BENZAKRI, Jamila BENCHARGUI etc.)
L’étude conclue qu’il existe des différences de traitement massives et généralisées, basées sur l’origine supposée des candidat.e.s dans les grandes entreprises en France.
Les candidat.e.s avec un patronyme maghrébin ont 20% de chances en moins que les candidat.e.s portant un patronyme d’origine française d’être recontacté.e.s suite à leur réponse à une offre d’emploi. Lorsqu’il s’agit de candidatures spontanée, l’écart grimpe jusqu’à 30%.
20% de chances en moins cela signifie que pour 10 réponses positives reçues par les candidat.e.s témoins, les candidat.e.s portant une caractéristique de discrimination n’en recevront que 8.
La campagne de « name and shame » envisagée initialement par l’Etat ne s’enclenche pas
« Name and Shame »
Le « Name and Shame » est une pratique qui consiste à annoncer publiquement qu’une entité a des pratiques injustes ou illégales avec un objectif dissuasif.
Malgré des résultats sans équivoque disponibles depuis le début de l’année 2019, ils ne sont communiqués que depuis quelques semaines, de manière assez discrète. Le gouvernement a donc tenu sa promesse de mener une étude mais le traitement des cas de discriminations recensés est opaque.
Le patronyme et l’origine sont pourtant reconnus comme des critères de discrimination par la loi, plaçant les pratiques de recrutement de certaines entreprises étudiées dans l’illégalité.
Les noms des entreprises épinglées par l’étude, en particulier des 15 structures identifiées comme massivement discriminantes sur le critère de l’origine supposée des candidat.e.s restent à ce jour confidentiels.