Les violences conjugales impactent aussi les enfants

En 2000, l’enquête ENVEFF indiquait que 4 millions d’enfants vivaient en France dans des foyers où leurs mères subissaient des violences. Depuis 17 ans, aucune enquête de cette envergure n’a permis d’actualiser ces chiffres… Par ailleurs, si la problématique des violences conjugales émerge (certes lentement) depuis maintenant quelques années, celle des enfants co-victimes de ces violences conjugales est quasi-absente du débat public.

C’est pour sortir de cet angle mort que l’Observatoire régional des violences faites aux femmes du Centre Hubertine Auclert (Île-de-France) a réalisé un rapport sur le sujet, assorti de préconisations concrètes de réformes juridiques et institutionnelles pour permettre d’améliorer la protection et l’accompagnement de ces enfants et de la mère victime. Ce travail était présenté publiquement le 7 septembre, dans l’hémicycle du Conseil régional d’Île-de-France : nous y étions.

Des conséquences graves

Karen Sadlier, docteure en psychologie clinique, une des grandes spécialiste des conséquences des violences conjugales sur les enfants, n’a pas pu être présente. Toutefois, une vidéo de son intervention a pu être projetée, permettant de rappeler quelques chiffres marquants :

  • 80 % des enfants qui vivent dans les couples où s’exerce de la violence conjugale en sont témoins oculaires ou auditifs
  • 40 % de ces enfants sont eux/elles-mêmes directement victimes de violences physiques
  • 60 % d’entre eux/elles souffrent d’un état de stress post-traumatique
  • ils/elles souffrent 17 fois plus de trouble anxio-dépressif.

Par ces chiffres, Karen Sadlier prouve les conséquences extrêmement néfastes pour le développement de ces enfants, leur santé physique et mentale, ainsi que leur perception des relations entre les femmes et les hommes.

 

Comment agir ?

Ces enfants sont, nous le disions, encore insuffisamment reconnu.e.s comme victimes de violences conjugales. Conséquence logique de cette invisibilité : peu de dispositifs d’accompagnement spécialisé leurs sont destinés. Toutefois, plusieurs structures en Île-de-France se sont emparées du sujet.

Les expérimentations novatrices de l’association Solidarité Femmes – Le Relais 77, membre du réseau Solidarité Femmes (qui gère notamment le numéro national d’écoute pour les femmes victimes de violences, le 3919) ont notamment été présentées : depuis 2009, une chaîne de prise en charge complète des enfants est organisée au Relais 77. Des séances d’accompagnement collectives, par groupes d’âges, permettent au enfants de déculpabiliser et de trouver des pistes d’aide. Les éducatrices de l’association utilisent des médiateurs thérapeutiques (émoticônes, météo des sentiments..) pour permettre aux enfants de réapprendre à identifier leurs émotions et à les gérer sans violence.

L’association met également en place des ateliers de restauration de la parentalité des femmes victimes de violences conjugales, qui leur permettent :

  • d’aborder la question des violences avec leurs enfants, de manière à ne pas verrouiller le secret, ce qui renforce le traumatisme
  • de reprendre confiance en elles : en effet, la dévalorisation du rôle parental fait partie intégrante de la stratégie de l’agresseur.

La vidéo réalisée par la MIPROF (Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains), que le groupe Egaé utilise régulièrement en formation, a également été présentée. Elle permet d’aborder de manière pédagogique l’impact des violences au sein du couple sur les enfants ainsi que l’indispensable rôle des professionnel.le.s.

 

Faire évoluer la loi

La présentation du rapport terminait par les présentation d’Anne Jonquet, avocate au barreau de la Seine-Saint-Denis, et d’Edouard Durant, juge des enfants. Tou.te.s deux ont évoqué la nécessité de faire évoluer la loi pour :

  • reconnaître l’enfant en tant que victime de violences psychologiques lorsqu’il/elle est exposé.e aux violences conjugales
  • faire primer l’intérêt et la sécurité de l’enfant co-victime dans les décisions de justice sur l’autorité parentale.

Retrouvez le rapport complet sur le site du Centre Hubertine Auclert, en cliquant ici