Vendredi 2 décembre, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture un projet de loi portant création d’une juridiction spécialisée aux violences intrafamiliales.
📌Des constats d’insuffisances judiciaires
La proposition de loi, rapportée par le député Aurélien Pradié (LR), part du constat d’une régression en matière de violences intrafamiliales :
- En 2021, seulement 21% seulement des victimes de violences au sein du couple ont porté plainte, ce qui témoigne d’une défiance persistante envers les instances judiciaires ;
- La même année, on constate une augmentation de 14% de morts violentes au sein du couple ;
- Parmi les 143 victimes, 25 avaient déjà signalé des violences antérieures, et seules 3 faisaient l’objet d’un dispositif de protection (un contrôle judiciaire et deux ordonnances de protection).
La loi de décembre 2019, issue du Grenelle des violences conjugales, prévoyait pourtant un renforcement de l’arsenal des réponses judiciaires en cas de violences : création du bracelet anti-rapprochement, élargissement des conditions d’attribution du téléphone grave danger et amélioration du mécanisme de l’ordonnance de protection.
Deux ans plus tard, force est de constater l’insuffisance de ces mesures.
📌Le tribunal des violences intrafamiliales : une nouvelle formation judiciaire
Cette nouvelle proposition de loi introduit une innovation qui a déjà été expérimentée en Espagne. Depuis 2004, ce pays, qui fait référence en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, s’est doté de juridictions spécialisées dans les violences de genre, portées par des magistrat·es spécialement formé·es. Avec succès : les féminicides par conjoint ou ex-conjoint ont baissé de 36% tandis que les dépôts de plainte ont augmenté de 29% sur cette période.
Citant explicitement l’efficacité de ce dispositif dans ses motifs, la proposition de loi crée une fonction nouvelle, celle du juge aux violences intrafamiliales. Spécialement formé·e, ce·tte magistrat·e cumulera des compétences pénales (sanction des délits de violences intrafamiliales, y compris ceux commis par d’anciens partenaires) et civiles (traitement des demandes d’ordonnance de protection).
📌Un texte politiquement clivant
Si Aurélien Pradié rappelle que “cette cause est trop importante pour être l’objet de luttes partisanes”, le texte a soulevé de vifs débats à l’Assemblée, pour finalement être adopté in extremis par la niche parlementaire LR à 41 voix contre 40.
Le Garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, s’y est fermement opposé, actant un revirement de l’exécutif sur le sujet. Durant la campagne, le président Emmanuel Macron s’était pourtant prononcé en faveur de la création de “pôles juridictionnels spécialisés”. Aujourd’hui, la ligne gouvernementale n’est plus aussi nette. Le texte pourrait en effet couper l’élan des travaux entamés par la mission parlementaire dédiée au traitement judiciaire des violences intrafamiliales, pilotée par la députée Émilie Chandler (Renaissance) et la sénatrice Dominique Vérien (Union centriste), qui doit rendre ses conclusions en janvier 2023.
Le texte reste à être voté par le Sénat, où la majorité LR a déjà voté contre un amendement visant à apporter des crédits au budget 2023 pour la création de cette juridiction spécialisée.
💡 Sources / Pour aller plus loin :
La proposition de loi :
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion_lois/l16b0513_rapport-fond
La lettre n°18 de l’observatoire national des violences faites au femmes :
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