📋Méthodologie et cadre de l’enquête :
Le baromètre se base sur une enquête réalisée en 2023 par le Défenseur des droits (DDD) et l’Organisation internationale du travail (OIT). Elle se base sur un échantillon de personnes, représentatif de la population active dans l’emploi privé et public. Comme indiqué dans l’introduction,, “cette 16e édition du baromètre est consacrée au critère de l’état de santé, et plus précisément aux discriminations concernant les personnes atteintes de maladie chronique.”
Le rapport rappelle que “la maladie chronique peut être définie, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), comme une affection de longue durée, souvent associée à une invalidité ou à la menace de complications graves, qui évolue lentement et nécessite une prise en charge pendant plusieurs années”. Depuis 2005, la maladie chronique est aussi reconnue comme un handicap.
📊Quelle est la perception et l’expérience de discrimination dans l’emploi des personnes atteinte d’une maladie chronique ?
“Une personne active sur dix (1/10) déclare avoir été témoin de discrimination ou de harcèlement discriminatoire lié à l’état de santé et/ou au handicap au cours de son parcours professionnel.”
“Environ une personne sur six (1/6) atteinte de maladie chronique a été confrontée à une discrimination ou un harcèlement discriminatoire en raison de son état de santé ou de son handicap.”
Pour rappel, le harcèlement discriminatoire est constitué de tout agissement (propos ou comportement) subi par une personne en lien avec un critère de discrimination qui a pour objet our pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant, ou offensant. Le handicap et l’état de santé font partie des critères de discrimination définis par la loi.
Le baromètre insiste sur les différences en matière d’expérience de discrimination au travail en fonction des différentes maladies chroniques. Ainsi, “les personnes ayant une maladie visible ont trois fois plus de risques d’avoir été confrontées à une discrimination ou un harcèlement discriminatoire en raison de l’état de santé ou du handicap que celles avec une maladie invisible.” Par ailleurs, “celles qui connaissent des limitations dans leurs activités habituelles du fait de leur maladie ont quatre fois plus de risques d’être discriminées que celles qui n’en ont pas.” La visibilité d’une maladie et les conséquences sur les activités du quotidien sont donc des facteurs à risque de subir une discrimination au travail.
L’enquête montre également que les personnes atteintes de maladies chroniques sont plus à risque de subir d’autres formes de violences ou de discrimination dans le cadre du travail par rapport au reste de la population. Le baromètre évoque un “continuum de risques professionnels”.
Ainsi, selon l’enquête, “plus de 4 personnes actives atteintes de maladies chroniques sur dix déclarent avoir vécu au moins une situation de discrimination ou de harcèlement discriminatoire, tous critères confondus, dans le cadre de sa recherche d’emploi ou de sa carrière, contre environ un cinquième du reste de la population, soit une fréquence 2 fois plus importante”.
En outre, “55 % des personnes malades déclarent avoir vécu une situation de harcèlement moral dans l’emploi, contre 35 % pour le reste de la population active”. Pour rappel, plusieurs décisions du Défenseur des droits font échos à la notion de “harcèlement moral discriminatoire”.
L’étude montre également que le fait de se focaliser sur la population active (personnes en emploi et personnes au chômage) invisibilise d’autres populations subissant des discriminations en raison de l’état de santé et/ou du handicap : les femmes, notamment, et les personnes âgées.
Le rapport explique ainsi : “Au sein de la population active, les hommes déclarent significativement plus de discriminations liées à l’état de santé ou au handicap que les femmes, toutes choses égales par ailleurs (annexe 3). Ce résultat est probablement lié en partie à la proportion plus importante de femmes malades ou reconnues handicapées qui sont en retrait, temporaire ou définitif, du travail rémunéré et qui se trouvent davantage parmi les inactifs et dans le « halo du chômage ». En effet, en raison des stéréotypes liés au genre et au handicap, les femmes malades ou reconnues handicapées apparaissent « doublement pénalisées » et davantage marginalisées sur le marché du travail que les hommes ayant une maladie chronique (perte d’emploi ou sous emploi plus fréquent, « plafond de verre », perte de revenus plus importante)”.
📌Quelles sont les conséquences de ces discriminations au travail ?
Les stéréotypes concernant les maladies chroniques, le risque de discrimination au travail, et la peur du jugement des autres sur son état de santé ou son handicap explique que peu de personnes malades ont informé leur employeur ou leur supérieur hiérarchique de leur état de santé/handicap. L’étude indique que “parmi ceux qui ne l’ont pas fait, 40 % déclarent avoir peur des répercussions négatives (sanctions, mesures de représailles, perte de confiance, crainte d’une redistribution des tâches sur d’autres collègues, sur leur travail ou d’un changement d’attitude de la part de leur entourage professionnel).”
Pour rappel, l’état de santé relève de la vie privée des travailleurs et travailleuses. Les personnes ayant des maladies chroniques ont donc le choix d’en informer leurs employeurs ou non. Cependant, il est nécessaire de créer un espace de travail sécurisé et sans discriminatoire pour que ce choix d’en parler ou non soit un choix éclairé, et non un choix subi (par exemple, en refusant d’en parler uniquement à cause de la peur d’être exposé à des mauvais traitements, et non par choix personnel).
L’employeur peut ainsi poser des questions sur les éventuels besoins spécifiques d’un·e candidat·es à un emploi ou d’un·e travailleur·ses en poste, mais pas sur la maladie en elle-même.
Le baromètre éclaire ainsi sur des stratégies de contournement ou d’évitement que les personnes malades ou handicapées mettent en place pour éviter les discriminations et/ou les violences au travail. Par exemple, “lors d’une candidature pour un poste, plus de la moitié des malades ne parlent jamais de leur problème de santé : un tiers d’entre eux se taisent par peur d’un refus d’embauche.” De plus, “lors de la recherche d’un emploi, 59 % des personnes atteintes de maladie chronique se sont autocensurées en ne répondant pas à une offre d’emploi qui correspondait pourtant à leurs compétences, contre 34 % pour le reste de la population active.”
Même une fois en poste, la maladie et/ou le handicap ont des conséquences sur le travail, très souvent des conséquences négatives. Ainsi, “parmi les personnes déclarant que leurs problèmes de santé ont eu des conséquences sur leur emploi, la moitié rapportent des répercussions négatives susceptibles d’être constitutives d’une discrimination : licenciement, non-renouvellement du contrat ou mesures de représailles, dégradation des conditions de travail, changement d’attitude de l’entourage professionnel, blocages dans les possibilités d’avancement, difficulté à trouver un emploi stable.”
Les perspectives professionnelles sont également impactées. D’après l’enquête, “un tiers environ des personnes atteintes d’une maladie chronique doutent ou ne pensent pas que leur état de santé leur permettra d’exercer le même poste d’ici deux ans, contre 16 % du reste de la population active.”
📕Les obligations des employeurs sont-elles respectées ?
Dans le secteur privé, l’étude indique que “19 % des salariés atteints d’une maladie chronique bénéficient d’un aménagement de leur poste et 29 % n’en bénéficient pas, mais en auraient besoin. Parmi les personnes malades n’ayant pas bénéficié d’aménagement malgré le besoin identifié, plus d’un quart déclarent que l’employeur a refusé de les mettre en place, alors qu’il était en mesure de le faire, en préférant dans certains cas reclasser le salarié ou réorganiser le service.”
Pour rappel, tous les employeurs, privés et publics, ont l’obligation d’assurer la santé et la sécurité des salarié·es et des agent·es. Les employeurs (publics et privés) sont aussi tenus, quel que soit leur effectif, à une obligation « d’aménagement raisonnable » à l’égard des travailleurs et travailleuses en situation de handicap.
Le baromètre précise que “Toutes choses égales par ailleurs, certains salariés sont moins susceptibles de bénéficier d’un aménagement, notamment ceux qui ont un travail pénible ou une faible ancienneté dans leur organisation”.
L’étude fait un rapide focus sur les visites médicales, en expliquant que les obligations concernant ces visites ne sont pas toujours respectées non plus : “22 % des personnes n’ont ainsi pas bénéficié de visite médicale depuis plus de 5 ans dans leur organisation et plus de la moitié des personnes, atteintes ou non d’une maladie chronique, considèrent que leur médecin du travail connaît mal leur état de santé (respectivement 54 % et 57 %).”
Le constat est le même pour les visites de reprises suite à un arrêt maladie de plus de 60 jours : “Malgré son caractère obligatoire, environ un tiers des salariés malades ayant eu un arrêt de plus de 60 jours au cours des 5 dernières années (31 %) n’ont pas eu de visite de reprise, et plus particulièrement les femmes (39 % contre 24 % des hommes) et les salariés et agents des petites organisations (43 % pour les personnes travaillant dans des entreprises ou administrations de moins de 20 personnes).”
👥Comment ces enjeux s’articulent-ils avec les relations de travail entre collègues ?
Si, de manière générale, les répondant·es de l’enquête déclarent bénéficier du soutien de leur collègues, les questions de report de la charge de travail ou d’aménagement du temps et du poste de travail, peuvent susciter des tensions au sein du collectif de travail.
Au sujet de la charge de travail, le rapport met en lumière un “dilemme [pour les personnes malades] entre volonté de préservation de leur santé et craintes vis-à-vis de leur entourage professionnel (peur d’augmenter la charge de travail des collègues, de perdre ses missions, d’être mis à l’écart, et/ou d’être confronté à des comportements stigmatisants ou hostiles).” Par exemple, au sujet des arrêts de travail, l’étude indique que “près de la moitié (45 %) des malades choisissent de travailler, parfois ou souvent, contre l’avis de leur médecin généraliste”. Plus loin, le rapport explique ce chiffre en disant que “un quart des salariés qui retournent travailler malgré les préconisations du médecin du travail, le font principalement par peur du regard de leurs collègues sur leurs absences (23 %) ou par peur de les surcharger (26 %).”
D’après le rapport, ces tensions sont également alimentées par les stéréotypes et préjugés existants sur les personnes malades ou handicapées. Ainsi, “environ une personne active sur 5, qu’elle soit malade ou non, déclare qu’elle serait ainsi plutôt ou très mal à l’aise si l’un ou l’une de ses collègues était affectée par un handicap mental ou psychique […] 15 % des actifs rapportent qu’ils se sentiraient mal à l’aise si l’un ou l’une de leurs collègues avait un cancer et 14 % s’il ou elle était porteur ou porteuse du VIH.”
💡Pour aller plus loin :
Pour télécharger et consulter le 16e baromètre de 2023 sur la perception des discriminations dans l’emploi du Défenseur des Droits : https://www.defenseurdesdroits.fr/etude-16e-barometre-sur-la-perception-des-discriminations-dans-lemploi-524
Pour consulter le guide de 2017 sur l’emploi des personnes en situation de handicap et aménagement raisonnable du Défenseur des droits : https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=16964
Pour consulter le rapport de 2016 sur l’emploi des femmes en situation de handicap du Défenseur des droits : https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=18361
Pour consulter l’état des lieux de 2022, “femmes, emplois et handicaps”, de l’Agefiph : https://www.agefiph.fr/sites/default/files/medias/documents_presse/2022-03/Agefiph_Femmes_emploi-Handicap_9R%20%281%29.pdf
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