Dans le groupe Egaé, nous avons l’habitude de rappeler à chaque formation cette petite phrase simple à mémoriser : « Il y a toujours un rapport, sur tous les sujets, avec l’égalité ». Economie, éducation, sport, culture, emploi, conflits, santé… et même budget !
Lors de notre dernier séminaire d’équipe, plusieurs salariées du groupe ont demandé à ce qu’on travaille sur ce dernier sujet : l’intégration de l’égalité dans la question budgétaire. Le truc super fun.
C’est moi qui me suis retrouvée à préparer la formation. A dire vrai, mon enthousiasme était tout à fait modéré.
Et – comme souvent – en me penchant sur le sujet, j’ai découvert un monde. Un univers passionnant. Celui de l’impact de la construction d’un budget sur le monde réel. Derrière des aspects très techniques, on trouve en réalité des décisions très politiques, qui peuvent influer (ou pas) nos vies. C’est vrai dans tous les secteurs, c’est aussi vrai en matière d’égalité femmes – hommes.
Si l’on oublie de penser égalité lorsqu’on élabore le budget d’une collectivité, d’un pays ou même d’une ONG, on va – de fait – reproduire ce qui existe déjà. Et ce qui existe, ce sont les inégalités entre les sexes. Le seul moyen de les faire reculer, c’est de penser la façon dont nos choix économiques vont pouvoir transformer la réalité.
Cette idée n’est d’ailleurs pas nouvelle. C’est depuis 1995 que les Nations Unies recommandent d’intégrer l’égalité femmes – hommes dans l’ensemble des politiques publiques, qu’elles soient économiques, culturelles, sociales ou environnementales. C’est ce qu’on appelle l’approche intégrée de l’égalité (traduction du « gender mainstreaming« ).
En 2007, un réseau européen s’est créé autour de cette idée de budgétisation sensible au genre (BSG). L’Espagne, de la Belgique et de l’Autriche l’ont même inscrit dans la loi.
Alors, à quoi sert la budgétisation sensible au genre (BSG) ?
- D’abord à vérifier que la collectivité ou l’administration traite de manière égale les femmes et les hommes dans la répartition des moyens.
- Cela permet également de vérifier que dans la récolte des recettes (taxes, impôts, calcul du quotient familial), aucun biais ne vient pénaliser davantage un sexe plutôt que l’autre.
La BSG présente d’autres intérêts : elle accentue la transparence sur les décisions budgétaires, elle favorise la participation citoyenne (notamment des associations qui travaillent sur l’égalité) et elle permet de mesurer l’efficience des politiques publiques.
Comment ça marche ?
- D’abord, il faut analyser le budget en détail. Cela vaut aussi pour les appels à projet, appels d’offre ou conventions de partenariat.
- Dans un second temps, on reformule les politiques budgétaires lorsqu’elles sont injustes en prévoyant parfois des dispositifs correctifs.
- Enfin, l’année suivante, on veille à intégrer de manière systématique l’égalité dans l’élaboration du budget.
Un exemple ?
Une collectivité finance une structure musicale à hauteur de 1,5 millions d’euros par an. Cette structure organise des ateliers et des concerts. Une analyse genrée du budget va faire apparaître que les ateliers les plus financés sont fréquentés en majorité par des garçons. Et qu’au cours de l’année, 80% du budget « concert » aura bénéficié à des artistes masculins. Sans qu’à aucun moment cela ne soit volontaire, la structure, financée par la collectivité, a reproduit (voire accru) les inégalités. Une BSG permet de se fixer des objectifs pour corriger les inégalités.
La budgétisation sensible au genre peut donc sembler à priori ardue. Elle est pourtant l’une des conditions de l’intégration transversale de l’égalité dans les politiques publiques. Et donc de leur efficacité.