📍Contexte et méthodologie
En France, les politiques publiques de lutte contre les discriminations se sont principalement adossées à l’adoption au début des années 2000 de directives européennes sur le sujet. Mais c’est surtout dans les années 2010 que cette problématique se voit davantage portée par le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, avec le déploiement de plusieurs plans d’action thématiques : lutte contre le racisme et l’antisémitisme (2018), contre les LGBTIphobies (2019) ou encore contre les violences sexistes et sexuelles (2021). Plus récemment, la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 prévoit l’obligation pour chaque établissement de mettre en place un dispositif de signalement et de traitement de toutes les discriminations et violences.
Malgré ces impulsions institutionnelles, les données spécifiques aux espaces académiques restent encore insuffisantes. Lancée fin 2018 par un collectif de chercheur·ses soutenu·es par le Défenseur des Droits, l’enquête ACADISCRI s’inscrit dans une volonté de pallier une carence à travers un déploiement sur tout le territoire, Outre-mers incluses.
Les premiers résultats, publiés en octobre 2022, portent sur deux universités sur les six actuellement partenaires de l’enquête : dans la première (surnommée « Pilote ») sont documentées les expériences de traitements inégalitaires et discriminations des personnels administratifs et techniques et enseignant·es-chercheur·ses.
Dans la deuxième (« Bropolis »), l’équipe s’intéresse plus particulièrement aux violences sexistes et sexuelles vécues par les étudiant·es.
📍Les discriminations vécues par les personnels de l’université « Pilote »
La moitié des personnels de l’université Pilote (50,9 %) déclare avoir subi au moins un type de traitement inégalitaire depuis le début de leur carrière dans l’enseignement supérieur.
Près de 40% des répondant·es évoquent ainsi des propos dévalorisants, tandis qu’un quart rapportent au moins une situation de harcèlement moral, 22 % des discriminations et 21 % des injures. Les menaces ou violences physiques concernent, elles, près de 8 % des répondant·es.
Le sexisme est le plus mentionné : 13,5 % des personnels déclarent avoir subi au moins une forme de comportement sexiste (22,5 % des femmes), suivi de près par les faits racistes, rapportés par 9,8 % de personnels. Par ailleurs, il a été constaté, pour tous les faits évoqués dans l’enquête – hormis le harcèlement et les agressions sexuelles – que les minorités racialisées étaient plus fortement à risque que la population majoritaire.
Les rapports de pouvoir inhérents à l’enseignement supérieur et à la recherche tendent à aggraver les risques de traitement défavorable : dans 6 à 7 cas sur 10, les auteur·ices de violence auraient une position hiérarchique supérieure à celle de la victime. De même, les personnels administratifs et techniques rapportent davantage de traitements inégalitaires à caractère raciste (12,8%) que les enseignant·es-chercheur·ses (6,9%).
Du côté des étudiant·es de l’université « Bropolis », des expériences allant du sexisme ordinaire à des violences sexuelles
Depuis leur entrée dans l’enseignement supérieur, les étudiantes sont deux fois plus confrontées à des comportements sexistes avec une dimension sexuelle que les étudiants (19,9% contre 6,9%). ACADISCRI cite des « propositions sexuelles sous couvert d’humour, gestes obscènes, regards libidineux, exhibitionnisme, voyeurisme ». Ces situations se sont répétées pour la moitié des étudiantes. 4% des répondantes femmes déclarent par ailleurs des agressions sexuelles, répétées pour la moitié d’entre elles.
Ces occurrences sont d’autant plus dommageables qu’elles conduisent à une dégradation des conditions d’études et instaurent un climat que l’on peut qualifier de discriminatoire.
👉Conclusion
L’enquête ACADISCRI, par son déploiement national et sa rigueur méthodologique, se destine à devenir une référence et un point de départ à toute politique nationale ou locale de lutte contre les discriminations et violences dans le monde académique. Elle permet aussi de considérer les violences sexistes et sexuelles comme partie intégrante dans l’analyse des discriminations. Pour la Défenseure des droits Claire Hédon : « Il faut aller plus loin que des actions ponctuelles et s’engager dans de véritables politiques antidiscriminatoires, au-delà des politiques en silo de prévention des violences sexistes et sexuelles ou d’inclusion des étudiants en situation de handicap. Je veux aussi rappeler la nécessité de s’emparer des discriminations fondées sur l’origine, qui restent dans le secteur de l’enseignement supérieur comme dans d’autres, invisibles. ».
Enfin, l’équipe ACADISCRI souligne que ces résultats ne sont pas à décorréler de conditions de travail et d’études de plus en plus dégradées, et dénonce une « banalité des formes de maltraitances en général dans les établissements universitaires ».
Ressources / Pour aller plus loin :
Premiers résultats de l’étude ACADISCRI téléchargeables sur le site du Défenseur des Droits
Le site antidiscriminations.fr du Défenseur des Droits.
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