Retour sur une jurisprudence de la Cour d’appel de Paris du 22 septembre 2022 (RG n°19/10499).
📍 Que s’est-il passé ?
Dans cette affaire, une salariée occupait le poste de « Chargée de mission » et de membre du comité de direction dans une entreprise. Rattachée au directeur général, son contrat de travail indiquait notamment les responsabilités suivantes : « Impulser la transformation de la marque depuis la construction des plans stratégiques avec le Comité de direction » ; « (être) moteur sur la structuration du fonctionnement de la marque » ; « missions transverses Groupe liées aux activités de la supply chain ».
De mai à octobre 2014, la salariée est en congé maternité.
À son retour, elle ne retrouve pas son poste.
À la place, d’autres missions lui sont proposées : l’organisation du déménagement du siège social (une mission ponctuelle et relevant d’un autre service) et la mise en place d’un pop-up store (mission ne l’ayant occupée qu’à mi-temps). Bien que toujours officiellement membre du comité de direction, elle n’a également plus été sollicitée dans ce cadre. Elle alerte sur la situation, mais cela persiste.
Afin de retrouver un poste avec un niveau de responsabilités correspondant à son poste avant congé maternité, elle décide alors de postuler à plusieurs offres d’emplois en interne concernant des postes ouverts dans l’entreprise, sans succès.
📍 Quelles conséquences sur cette salariée ?
La salariée fait également état de mesures humiliantes et de pressions ayant eu des conséquences sur sa santé. Placée en arrêt de travail pour « état dépressif » par son médecin, elle est ensuite déclarée inapte pour « souffrance au travail » par le médecin du travail.
Le Défenseur des droits intervient. Il mène une enquête, et estime que l’absence de réintégration dans son emploi ou dans un emploi similaire constitue du harcèlement discriminatoire fondé sur son état de grossesse. La salariée décide de saisir la justice afin de voir reconnaître un harcèlement discriminatoire.
📍 Quelle fut la position de l’entreprise ?
Pour se défendre, la société affirme avoir proposé à la salariée “plusieurs missions”, mais n’est en mesure d’apporter aucun justificatif.
📍 Qu’est-ce que les juges ont retenu ?
En évaluant les différents éléments et l’enquête du Défenseur des droits, la Cour d’appel a constaté que la salariée n’avait effectivement pas retrouvé ni son poste, ni un poste équivalent à son retour de congé maternité. Elle retient qu’au vu de cette situation, il est établi que la salariée a subi un harcèlement discriminatoire lié à la grossesse et à la maternité.
📍 Que peut-on retenir de cette décision de justice ?
Selon cette jurisprudence, le fait de ne pas permettre à un·e salarié de retrouver son poste, ou un poste équivalent à son retour de congé maternité, peut constituer du harcèlement discriminatoire.
📍Qu’est-ce que le harcèlement discriminatoire ?
Pour rappel, le harcèlement discriminatoire est tout agissement lié à un critère de discrimination subi par une personne et qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité. Avant cette jurisprudence, d’autres décisions de justice relatives à ce genre de situation considérait cela comme une situation de discrimination sur le critère de l’état de grossesse et/ou de la situation de maternité. Ce nouvel arrêt est donc une évolution intéressante dans la reconnaissance du harcèlement discriminatoire devant les juridictions.
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Pour aller plus loin : Consulter la Fiche-pratique du Défenseur des droits sur le harcèlement discriminatoire
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