Statistiques, constats et pistes d’actions sur la situation des personnes intersexes en Europe et en France.

En mai 2023, les associations ILGA Europe et l’OII Europe (Organisation Intersex International Europe) ont sorti un rapport sur la situation des personnes intersexes en Europe. Ces données sont issues de la seconde grande étude menée en Europe (139 799 personnes) concernant les personnes LGBTI en 2019 (FRA LGBTI II Survey). C’est également la première fois que cette étude prend en compte les expériences des personnes intersexes. 

⚠️ Attention, dans la suite de cet article nous mentionnerons certains faits de violences graves commises à l’encontre des personnes intersexes.

📍Mais d’abord, de quoi parle-t-on lorsqu’on parle d’intersexuation ou de personnes intersexes ?

L’Organisation Intersexe International Europe (OII Europe) définit l’intersexuation comme “des personnes qui ne correspondent pas aux normes médicales et sociétales des corps dits féminins et masculins en ce qui concerne leur sexe chromosomique, gonadique, endocrinien ou anatomique. Ce dernier se manifeste, par exemple, par des caractéristiques sexuelles secondaires telles que la masse musculaire, la pilosité et la stature, ou par des caractéristiques sexuelles primaires telles que les organes génitaux internes et externes et/ou la structure chromosomique et hormonale.”. En d’autres termes, on parle de l’ADN (les chromosomes XX, XY, XXY, XXXY, XXX…), l’appareil génital (interne et externe), les hormones et les caractères sexuelles secondaires (pilosité, poitrine…).

L’organisation ajoute également que “Les docteurs conseillent fréquemment aux parents des interventions médicales, chirurgicales ou autres, sur ces nouveau-nés et enfants, afin que leurs corps soient conformes (ou semblent l’être) aux caractéristiques mâles ou femelles. Dans la grande majorité des cas, de telles interventions ne sont médicalement pas nécessaires et peuvent avoir des répercussions terriblement néfastes sur ces personnes tout au long de leurs vies.”. Ces variations sont des variations saines et naturelles des sexes humains.

Les enfants intersexes représentent 1,7% des naissances, soit environ 12 800 naissances en France en 2019.

En complément : https://www.youtube.com/watch?v=MB7nbvD8rQk&t=71s&ab_channel=TED 

📍Quels droits et protection en France dans l’emploi ou accès à l’éducation ?

En France, les personnes intersexes sont aujourd’hui peu protégées. La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), une Autorité administrative indépendante de la France et accréditée auprès de l’ONU, demande l’ajout des “caractéristiques sexuelles” au critère de sexe, déjà existant parmi les critères prohibés de discrimination, pour permettre la protection des personnes intersexes. 

Dans ce rapport produit par l’ILGA et l’OII Europe, 25,06% des personnes intersexes mentionnent être en “difficulté” ou “grande difficulté” pour répondre aux besoins de leur ménage et 34,04% ont signalé avoir expérimenté des difficultés pour se loger. 

L’étude montre que les barrières pour accéder à un emploi ou progresser dans leur carrière sont multiples. La pathologisation (et les violences associées) et les traumatismes dès le plus jeune âge contribuent à rendre difficile l’accès et le maintien à l’éducation tout au long de la vie. Ces difficultés dans l’éducation ont un impact sur les niveaux de pauvreté et d’accès à l’emploi. A cela s’ajoutent la discrimination et la stigmatisation au travail, augmentant le risque pour les personnes intersexes de perdre leur emploi.

Les personnes intersexes peuvent connaître des périodes d’hospitalisation en raison d’interventions chirurgicales non consensuelles et/ou non vitales, être victimes de violences ou encore de ne pas pouvoir travailler en raison de traumatismes. Celles-ci peuvent éprouver des difficultés à expliquer ou à rendre compte des lacunes dans leur parcours scolaire ou professionnel dues à ces violences, les éloignant d’autant plus de l’emploi.

Les personnes intersexes sont 27,98% à s’être senties discriminées lors de la recherche d’un emploi sur les 12 derniers mois.

Dans le monde des études, c’est également le cas. 36,13% des répondant·es jeunes se sont sentis discriminé·es par le personnel de leur école ou université sur les 12 derniers mois.

Elles sont également 49,40% a avoir été physiquement ou sexuellement agressées ces 5 dernières années. 11,21% de ces violences ont été commises par un membre de la famille. L’étude mentionne que ces violences intra-familiales peuvent être analysées comme une forme de “punition”, dans le sens où être intersexe peut être perçu comme honteux ou que l’enfant intersexe n’est pas considéré avec la même valeur que ses frères/soeurs non-intersexes. 

Les personnes intersexes sont 72,81% à déclarer avoir été confrontées à au moins une forme de harcèlement.

S’il y a un enjeu législatif sur la prise en compte “des caractéristiques sexuelles” dans le critère de sexe existant, il est possible pour les entreprises, associations, ONG, ou autres de prendre en compte par elles-même ces enjeux de violences et de discrimination à l’égard des personnes intersexes. 

Les employeurs et l’encadrement peuvent agir : la formation, l’intégration des “caractéristiques sexuelles” dans les critères de discrimination prévus dans un règlement intérieur, la prise en compte dans les processus RH, des actions de prévention et de traitement des violences et discriminations envers les personnes intersexes, un cadre de travail accueillant et compréhensif ou autre sont des actions à la portée de toutes les structures.

💡Aller plus loin : 

Vidéo pédagogique du CIA-OII (une organisation intersexe francaise) : https://www.youtube.com/watch?v=k-KBSBeIiq8&ab_channel=CollectifIntersexeActivisteOIIFrance 

Dans l’étude mentionnée, vous pourrez retrouver diverses données et conseils si vous travaillez dans le monde médical/du soin ou du social (logement, protection de l’enfance…) : https://www.ilga-europe.org/files/uploads/2023/05/FRA-Intersections-Report-Intersex.pdf 

Pour en savoir plus sur les violations des droits des personnes intersexes, vous pouvez retrouver sur le lien suivant le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH): https://www.ohchr.org/sites/default/files/Documents/Issues/Discrimination/LGBT/BackgroundNoteHumanRightsViolationsagainstIntersexPeople.pdf 

En France, Fiches pratiques : Le respect des droits des personnes intersexes (DILCRAH et CIA) : https://www.gouvernement.fr/fiches-pratiques-le-respect-des-droits-des-personnes-intersexes#:~:text=Les%20personnes%20intersexes%20ont%20des,variations%20de%20leurs%20caract%C3%A9ristiques%20sexuelles