Egal’actu revient sur les temps forts de l’actualité estivale en matière d’égalité femmes-hommes : nouveau rapport sur l’égalité professionnelle dans la fonction publique, dispositif de validation des acquis de l’expérience pour les jeunes mères, rapport du HCE sur la santé des femmes précaires, violences obstétricales, budget droits des femmes, féminicide et affichage sexiste.
Un nouveau rapport de situation comparée dans la fonction publique
Le troisième rapport annuel sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique est paru mi-juillet.
Très peu de variations par rapport à l’année précédente : toujours 62% de femmes parmi les agent.e.s de la fonction publique, un plafond de verre et une ségrégation des métiers toujours présents, des hommes toujours moins diplômés et pourtant davantage rémunérés.
Une nouveauté néanmoins par rapport aux éditions précédentes : l’introduction du bilan des « nominations équilibrées » dans les emplois supérieurs et de direction pour l’année 2015. La loi Sauvadet avait en effet instauré des objectifs de premières nominations de femmes ou d’hommes aux postes les plus élevés de l’administration (« primo-nominations ») : 20 % de primo-nominations de l’un ou l’autre sexe en 2013 et 2014 ; 30% en 2015 et 2016 ; 40% à partir de 2017.
Pour l’année 2015, l’objectif est dépassé, avec une proportion de femmes atteignant 33,6% parmi les primo-nominations, malgré des disparités qui persistent en fonction des niveaux d’emplois. Ainsi, seule une femme sur dix a été nommée à un poste de directrice générale des services (DGS).
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Vers une validation des acquis de l’expériences des jeunes mères ?
Le jeudi 20 juillet, Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat aux droits des femmes était auditionnée par la délégation aux droits des femmes à l’Assemblée nationale. Elle y a expliqué son projet de création d’un dispositif de validation de l’acquis de l’expérience (VAE) pour transformer les « compétences des jeunes mères » et favoriser leur insertion professionnelle. Elles obtiendraient, à l’issue d’un parcours diplômant, un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) « petite enfance » ou un « brevet d’Etat d’éducateur de jeunes enfants ».
Les associations féministes ont dénoncé une mesure qui cible uniquement les mères et entretient donc les stéréotypes. L’association Osez le féminisme ! a dénoncé un « contre-feu et une stratégie médiatique pour dissimuler les débats concernant les moyens alloués aux droits des femmes ». Elle a pointé du doigt une « erreur d’analyse » : c’est sur la difficulté des jeunes mères à concilier vie familiale et professionnelle « qu’il faut se concentrer ».
Les professionnel.le.s de la petite enfance ont également dénoncé le projet : avoir eu des enfants ne donne pas automatiquement les compétences nécessaires à l’accompagnement des jeunes enfants et de leurs familles. Dans un communiqué de presse daté du 20 juillet, la Fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants pointe des inexactitudes dans le projet : le CAP « petite enfance » est devenu CAP « accompagnant éducatif petite enfance » et le brevet d’Etat d’éducateur de jeunes enfants n’existe pas : il s’agit en réalité d’un diplôme d’Etat, qui vient d’ailleurs d’être reconnu au niveau II. La coprésidente de la Fédération, Julie Marty-Pichon s’est indignée de la mesure : « est-ce parce qu’on aide nos enfants à faire leurs devoirs pendant leur scolarité qu’on est apte à devenir professeur des écoles ? ».
La secrétaire d’Etat indique de son côté ne pas renoncer au projet.
Nouveau rapport du HCE sur la santé des femmes précaires
Le 7 juillet, le Haut conseil à l’égalité remettait son nouveau rapport « Santé et accès aux soins : une urgence pour les femmes en situation de précarité » à Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Le HCE s’est intéressé dans ce rapport aux femmes en situation de précarité, dont la santé est dégradée et l’accès aux soins entravé. D’après ce rapport, les femmes représentent 64% des personnes qui reportent des soins ou y renoncent. Soit chaque année, d’après le résumé du rapport, près de 9,5 millions de femmes qui ne sollicitent pas les aides financières trop complexes (1/3 tiers des potentiel.le.s bénéficiaires de la CMU-C ne la demande pas) ou ne peuvent se permettre de prendre le temps de consulter un.e professionnel.le de santé faute de temps.
Les femmes en situation de précarité présentent une santé dégradée due à un accès et une participation moindre à la prévention et aux campagnes de dépistage ou à une prise en charge plus tardive de certaines maladies (les symptômes spécifiques aux femmes étant moins bien connus).
Le Haut conseil à l’égalité « appelle à une politique volontariste de lutte contre les inégalités de santé qui tienne compte des inégalités de sexe, et encourage le développement de dispositifs spécifiques à destination des femmes en situation de précarité ». Il formule plusieurs recommandations :
- « une meilleure évaluation, dans le compte prévention pénibilité, du caractère usant et pénible des postes majoritairement occupés par des femmes en situation de précarité
- une simplification de l’accès aux prestations sociales en matière de santé (fusion de la CMU-C, de l’AME et de l’ACS) et la mise en place d’un accompagnement pour faciliter les démarches
- la formation des professionnel.le.s de santé à l’accueil des personnes en situation de précarité, au dépistage systématique des violences dans le cadre familial ou professionnel et aux symptômes spécifiques aux femmes pour certaines pathologies, cardiaques par exemple. »
Violences gynécologiques : le sujet monte !
Dénoncées depuis plusieurs années déjà par des associations, c’est cette fois-ci la secrétaire d’Etat aux droits des femmes qui, le 20 juillet, a mis le sujet des violences obstétricales sur la table. Auditionnée par le Sénat, elle a déclaré avoir « commandé un rapport au Haut conseil à l’égalité, à propos des violences obstétricales », en mentionnant « un taux d’épisiotomie de 75 % alors que l’OMS préconise d’être normalement autour de 20 à 25 % ».
La réaction du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) n’a pas tardé : lettre ouverte, réactions médiatiques. Israël Nisand, son président, a dénoncé de fausses informations et des pourcentages surévalués : « Les statistiques nationales sur le taux d’épisiotomie montrent qu’on est en dessous de 20 % ».
La loi Kouchner de 2002 prévoit qu’« aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne ». Or, l’autorisation de pratiquer une épisiotomie ne serait pas toujours demandée aux femmes, le Collectif interassociatif autour de la naissance (Ciane) en 2013… soit dans 15 % des cas. Son taux d’usage se situerait autour de 30 %, sur la période de 2010 à 2013.
Si pendant de nombreuses années les femmes n’en parlaient pas, convaincues que la réalisation de cet acte médical devait forcément être nécessaire si un médecin le pratiquait, la parole se libère aujourd’hui via de nombreux témoignages accessibles sur le web. La toute-puissance des médecins est remise en cause, les femmes souhaitent reprendre la main sur leur propre accouchement. Un dossier de Libération datant du 15 août rapporte également de nombreux exemples.
Coupes budgétaires
Le 27 juillet 2017, un autre rapport du Haut conseil à l’égalité (décidément toujours aussi prolifique, une vraie mine d’or que leurs travaux !), concernant l’organisation administrative et institutionnelle des politiques des droits des femmes, préconisait une augmentation significative du budget du ministère des droits des femmes, à la hauteur des besoins correspondant aux politiques publiques qui vont être engagées pendant la mandature. Oui, mais…
Le 21 juillet, d’importantes coupes budgétaires étaient annoncées au Journal officiel. Le secrétariat d’Etat en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes se retrouve particulièrement visé : il se retrouve en effet amputé de 7,5 millions d’euros, soit environ 25 % de son budget. Le budget droits des femmes est pourtant le plus petit budget parmi ceux des ministères : 0,0066% du budget général selon un rapport de plusieurs organisations. Une baisse de ce petit budget risque d’être dramatique pour les associations féministes, qui dénoncent déjà le manque de subventions. Accompagnement dans l’accès à la contraception ou à l’IVG, accueil des victimes de violences sexuelles et sexistes… sont des champs d’action largement investis par ces associations. Avec moins de subventions, que restera-t-il ?
Au secrétariat d’Etat, le flou a particulièrement été entretenu pendant l’été. Marlène Schiappa a déclaré avoir « décidé de ne pas baisser les subventions émanant de mon secrétariat d’Etat en direction des associations qui luttent contre les violences sexistes et sexuelles, l’une des priorités de ma feuille de route ».
De leur côté, les associations se sont mobilisées. Elles ont dénoncé une fausse promesse de campagne : l’égalité entre les femmes et les hommes devait être « la cause nationale du quinquennat » selon Emmanuel Macron. Rassemblement, campagne sur les réseaux sociaux, permanence téléphonique pour alerter les député.e.s…
Dossier sur les féminicides dans Libération
A la fin du mois de juin, Libération lançait un important dossier sur les « féminicides », accessible en ligne dans une version interactive. Une enquête indispensable, concernant 220 meurtres de femmes par leur conjoint ou ex-conjoint, entre 2014 et 2016.
« Féminicide » est le terme utilisé par les associations pour désigner l’assassinat d’une femme parce qu’elle est femme, par un homme qui la considère comme sa propriété. https://egalactu.com/ni-una-menos-en-argentine-des-manifestations-contre-les-feminicides/
A l’aide d’infographies, le dossier explique le cycle des violences, avec lequel le conjoint met la femme sous son emprise. Il est également question des oublié.e.s du sujet : les enfants, co-victimes des violences conjugales. Libération met également le doigt sur le traitement des violences par les médias, qui les minorent souvent, voire les traitent avec humour (nous vous en parlions en novembre 2016). Enfin, Libération pointe les solutions qui existent. Au groupe Egaé, nous sommes convaincues qu’une des solutions est la formation des professionnel.le.s qui peuvent être en lien avec les femmes victimes.
Par ailleurs, les chiffres 2016 des féminicides, qui paraissent habituellement tous les ans pendant l’été, ne sont pas encore parus. Nous les attendons pour mettre à jour nos formations sur le sujet…
Dannemarie affiche le sexisme
« 2017, année de la femme » à Dannemarie, commune de 2000 habitant.e.s dans le Haut Rhin. Année de la femme… ou du sexisme ? En juin, la commune installait 125 silhouettes de femmes en contreplaqué dans ses rues. Des silhouettes qui « illustrent une conception de la femme, inspirée par des stéréotypes et la réduisant de façon caricaturale, et parfois graveleuse, à une fonction d’objet sexuel », d’après le tribunal administratif de Strasbourg, qui a demandé leur retrait. Saisi par l’association Les Effronté-e-s, le tribunal a également estimé que « leur disposition par une commune dans ses espaces publics (…) constitue une atteinte grave au principe d’égalité entre les hommes et les femmes » et que « la seule présence sur la voie publique de ces illustrations qui dévalorisent les femmes cause un trouble à l’ordre public ». La mairie a fait appel de la décision.
L’occasion en tous cas de rappeler que d’autres collectivités font le choix d’exclure le sexisme de leur communication, comme la ville de Paris.
Camille Toldre et Eléonore Stévenin-Morguet