Nouvelle jurisprudence en matière de preuve sur les discriminations : Une salariée estime avoir vécu une inégalité de salaire par rapport à ses homologues masculins. Pour le prouver, elle demande au juge d’ordonner à l’employeur de communiquer les bulletins de paie.
📌Que s’est-il passé ?
Une salariée du secteur privé travaille dans deux entreprises depuis 2009 (une filiale, puis dans la société de cette filiale). Elle est licenciée en 2019. Elle estime avoir subi une discrimination salariale par rapport à certains de ses collègues masculins ayant occupé le même poste. Elle saisit le conseil des prud’hommes en référé, une procédure d’urgence permettant un jugement plus rapide, et demande au juge d’ordonner aux deux entreprises de lui communiquer des bulletins de salaire de certains de ses collègues, pour pouvoir comparer.
La cour d’appel ordonne aux 2 entreprises de communiquer les bulletins, en anonymisant les données personnelles. Les documents doivent seulement laisser apparaître les noms, prénoms, la classification conventionnelle, la rémunération mensuelle détaillée et la rémunération brute totale cumulée annuelle.
📌Ces données ne sont-elles pas confidentielles ?
C’est ce que les deux entreprises estimaient. Elles contestent donc cette décision et ne souhaitent pas communiquer les bulletins de salaires. Ces entreprises avancent que la RGPD protège les données personnelles et interdit leur communication à un tiers.
📌Quelle est la réponse de la Cour de cassation ?
La Cour de cassation estime au contraire que la protection des données n’est pas absolue, et que d’autres textes légaux (Article 145 du code de procédure civile, article 6 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme) permettent la communication d’éléments si celle-ci est proportionnée et nécessaire au but poursuivi.
👉 Ainsi, un·e salarié·e peut demander au juge d’ordonner à l’employeur de communiquer des bulletins de paie d’autres salarié·es. Le juge pourra accepter si cette communication est légitime et proportionnée au but poursuivi.
📌 À partir de quel moment la communication des bulletins de paie est légitime et proportionnée au but poursuivi ?
La Cour de cassation valide l’argument de la Cour d’appel, qui avait indiqué que « cette communication d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’autres salariés était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de la salariée à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail ».
Il est également précisé que les données personnelles non-nécessaires doivent être occupées ou anonymisées.
En l’espèce, la salariée avait demandé la communication des bulletins de paie de certains de ses collègues masculins ayant occupé le même poste, ce qui rend sa demande indispensable l’exercice du droit de la preuve (la recherche de la preuve d’une discrimination salariale) et proportionnée au but poursuivi.
On pourrait supposer que si elle avait réclamé les bulletins de salaire de tous les salarié·es, ou encore les bulletins de paie de salarié·es n’ayant pas occupé le même poste, les juges auraient pu considérer que cela n’était pas indispensable ou proportionné.
📌 Et ensuite ?
Ici, les demandes portaient uniquement sur la question des bulletins de salaires. Il s’agissait d’une première étape, concernant les éléments qui peuvent ou non être utilisés comme mode de preuve. La Cour de cassation a répondu sur ce sujet, et l’affaire suit désormais son cours. Existait-il une inégalité salariale dans cette situation ? Si oui, cela sera-il prouvé par les bulletins de paie obtenus ? Affaire à suivre.
—
💡Sources / Pour aller plus loin :
Pour consulter la jurisprudence : Cour de cassation, 8 mars 2023, n°21-12.492
Site du Défenseur des droits : https://www.defenseurdesdroits.fr/fr
Site de l’observatoire des discriminations : https://www.observatoiredesdiscriminations.fr/
—
→ Vous souhaitez sensibiliser vos équipes à la prévention de toutes formes de discriminations au travail ? Contactez le groupe Egaé en envoyant un mail à contact@groupe-egae.fr, nous pouvons vous accompagner !