Propos répétés sur l’origine et l’accent d’un collègue : le harcèlement moral est qualifié

Retour sur un arrêt de la Cour d’appel de Paris, le 7 décembre 2007, qui qualifie le harcèlement moral pour un cas où un salarié a tenu des propos répétés sur l’origine et sur l’accent d’un collègue dit d’origine africaine. 

🔎 Que s’est-il passé dans cette affaire ? 

Un salarié subit, de la part d’un de ses collaborateurs, des propos et moqueries liées à ses origines africaines. Parmi les faits en cause, ce dernier se « moquait de lui », selon les termes de l’arrêt, en utilisant un accent qualifié « d’africain » devant d’autres personnes, et prenait également systématiquement cet accent pour s’adresser à lui. 

Ces actes ont fortement impacté la santé du salarié ciblé, qui a été placé en arrêt de travail. Suite à une moquerie supplémentaire ayant, selon lui, « fait déborder le vase », il démissionne de son poste.

Il effectue un signalement à l’inspection du travail, qui a mené une enquête établissant les faits. 

En parallèle, il porte plainte pour harcèlement moral. Une procédure pénale débute alors. 

Le collaborateur mis en cause a admis qu’il utilisait « l’accent africain » pour s’adresser au salarié victime, mais indique qu’il s’agissait « d’une manifestation de connivence et de sympathie à son égard », et que l’ambiance était chaleureuse à l’agence. Au cours de l’enquête, un témoin indique également que ces propos sont « déplacés », mais relèveraient de « l’humour ». Mais au contraire, d’autres témoins estiment que les propos tenus sont vexatoires et que le ton était humiliant, moqueur, et un manque de respect.

🔎 Quel a été le point de vue des juges ?

⚖️  La cour d’appel de Paris retient que l’ambiance chaleureuse n’est « nullement incompatible avec le harcèlement moral dont (le salarié) s’est plaint ». Les juges s’appuient sur le rapport de l’inspection du travail et sur les témoignages pour estimer que les agissements subis par la victime ont eu des répercussions sur sa santé et sur son travail. Ainsi, la cour d’appel de Paris retient qu’un délit de harcèlement moral a été commis

L’affaire est allée en cour de cassation, où l’auteur des faits a contesté la décision de la cour d’appel en s’appuyant sur des questions de prescription. Mais la Cour de cassation a confirmé la décision de la cour d’appel : cette décision est définitive. 

👉 Que peut-on retenir de cette décision de justice ? 

Selon cette jurisprudence, le fait d’imiter un accent pour s’adresser à une personne d’origine étrangère, de façon répétée, peut caractériser du harcèlement moral.
Pour cela, les autres critères constituant ce comportement interdit par le code du travail et le code pénal doivent également être réunis : une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité, d’impacter la santé ou de compromettre l’avenir professionnel. En l’espère, la personne ciblée faisait état à la fois d’une dégradation de sa santé et d’un impact sur son avenir professionnel puisqu’il a été contraint de démissionner pour ne plus subir cette situation.

On peut également avoir en tête que le fait qu’une structure ait « une ambiance chaleureuse » de façon générale n’exclut pas que du harcèlement moral envers un salarié puisse être caractérisé.